Kinshasa : les larmes d’une ville polluée
Il y a plus de 50 ans, j’étais une ville où il faisait bon vivre. Il y avait des rivières propres où coulait une eau claire. De beaux rond-points entrecoupaient les artères servant souvent de carrefours. Grâce au fleuve, des randonnées fluviales étaient souvent organisées à partir du Port de la Régie des voies fluviales (RVF). On se rendait sur des bancs de sable, si nombreux en saison sèche, ou sur des sites comme Safari Beach, le Parc de la Nsele ou au Petit Paradis à Maluku. La place des Artistes, érigée au rond-point Victoire (le point de transit majeur en ville) et ses environs étaient envahis dès le matin par des touristes et groupes de gens qui venaient lire les journaux étalés à même le sol pour s’informer sur l’actualité du pays et y écouter les nouvelles de la légendaire « rumba congolaise » qui a fait danser le monde entier.
A cette époque, je venais tout juste d’abandonner mon nom de jeunesse, « Léopoldville », j’étais toute belle, ce qui me valait l’appellation de « Kinshasa la belle ».
Ça, c’était hier ! oui, hier j’étais la belle, aujourd’hui je suis « La poubelle ». Aujourd’hui je ressemble plus à une gigantesque décharge publique qu’à une ville digne de ce nom. Parfois, j’ai honte de dire que je suis la capitale du Congo, « Le Grand Congo ».
Plus rien n’est comme avant. Mes rond-points servent aujourd’hui de toilettes publiques, de lieux abandonnés où poussent les herbes sauvages et crèchent les enfants de la rue. Mes rivières sont devenues des cimetières à ciel ouvert pour bébé avortés. D’autres sont transformées en poubelles publiques où coulent bouteilles et sacs en plastique utilisés par vous mes habitants. D’autres encore sont transformés en lieux de déversement des vos matières fécales.
Chers Kinois, la musique, la douce « rumba congolaise » et « le dombolo » que j’aimais tant ne sont à présent que des sources de tapage faisant une pollution sonore sans pareille.
Quant au fleuve, silencieux, il reçoit, sans dire mot, toutes vos décharges, toutes vos pollutions, toutes mes larmes, comme s’il en était responsable.
Je pleure car je suis polluée, polluée au sol, polluée dans l’eau, polluée dans l’air et, comme si cela ne suffisait pas, polluée par aux oreilles.
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